Anomalie temporelle, Amnésie temporaire (12 novembre 2013 - 26 janvier 2014)

Résidence à AXENÉO7, Gatineau, Québec - mars/avril 2014

Cette œuvre a été réalisée à Axeneo7, Gatineau/Québec, où j’ai résidé et exposé en 2014. Cette grande aile habille en quelque sorte l’espace. Sa forme entre la robe et la cape revêt plusieurs rencontres temporelles dont la disparition du vol MH 370 en mars 2014 parallèlement aux télé-activités du robot Curiosity sur Mars, dans un contexte de production à l’heure du dégel au Canada.

This artwork was created in Axeneo7, Gatineau/Québec, where i resided and exhibited in 2014. This huge wing put on, in a way, the exhibition space. Its shape, in between dress and cape figures different temporal encounters mainly evoking the disappearing of the MH 370 flight in march 2014 in parallel with the tele-activity of the rover Curiosity on Mars, in a production context at the time thaw in Canada.

Anomalie temporelle, Amnésie temporaire (12 novembre 2013 - 26 janvier 2014)
Recto noir Coton/Polyester, Verso blanc Coton/Polyester / Recto Black Cotton/Polyester, Back White Cotton/Polyester
Dimension initiale : 4 m de haut x 6 m de large

Télécharger la légende détaillée (format pdf) / Download the detailed caption (pdf format)

Il existe sans doute peu de points de jonction, au premier coup d’oeil, entre la disparition du vol MH 310 au large de l’Australie et la position du rover spatial Curiosity au 25 janvier 2014 sur la surface de Mars. Pourtant, l’artiste Ingrid Luche se permet de réunir les deux événements dans un même endroit : la galerie où elle expose le résultat de sa résidence au centre d’artiste AXENÉO7. En fait, elle les combine dans un espace imaginaire complexe, entre mémoire et anticipation, en un présent synthétisé. Posée au centre de la salle, ou plutôt suspendue à la manière d’une chauve-souris au repos, une immense cape agit comme un rideau qui divise l’architecture de la pièce en deux lieux différenciés, celui devant et celui derrière le grand voile, selon l’emplacement du spectateur ; il devient alors point de bascule entre le blanc et le noir, entre le jour et la nuit, entre le passé et l’avenir, témoin d’une troublante vision fantomatique.
Cependant, la cape elle-même s’affirme comme un lieu : celui d’une certaine forme de projection dont l’aspect se traduit par un réseau de décalcomanies appliquées au fer chaud. La collection d’images hétéroclites puisées tant dans l’actualité internationale que dans la réalité concrète du vieux Hull se déploie sur les faces de la cape comme des broderies amérindiennes. De la même façon, elles agissent comme une sorte de documentation symbolique, car la cape est aussi le siège de l’identité fantasmatique dont se revêtirait la personne qui la porterait. À cette enseigne, elle agit effectivement à la manière des robes de la danse des esprits Dakota, les Ghost Dance dresses qui sont à l’origine du travail que propose l’artiste. C’est bien à une sorte de danse, en vérité, qu’est convié le regardant qui doit refaire dans son propre imaginaire un tracé complexe pour relier les fragments épars et disparates d’un monde écartelé par les réseaux de communications instantanés, sources d’une fiction reconstruite dont on se pare quotidiennement. Entre l’exploration martienne, espace des nouvelles conquêtes, et la désintégration annoncée, espace de perdition tragique, les parcelles de territoire se rejoignent-elles dans la construction d’une pensée mythique ? L’espace du voyage, funeste ou fabuleux, est ici proposé comme une boucle, un parcours entre l’intérieur et l’extérieur qui se replie sur lui-même, comme l’éternel retour nietzschéen.

François Chalifour, Communiqué de presse, 2014

There is undoubtedly little to connect the disappearance of flight MH 310 off the coast of Australia with the position of NASA’s Curiosity Mars rover on 25 January 2014 at first glance; nevertheless, artist Ingrid Luche brings the two events together in an exhibition of the fruits of her residency at AXENÉO7 artist-run centre. In fact, she combines them in a complex imaginary space, a synthesized present situated somewhere between memory and anticipation. Suspended in the centre of the room like a sleeping bat, an immense cape divides the space in two—before and behind the great veil, depending on the viewer’s position. It serves as a transition point between black and white, night and day, past and future, and as witness to a troubling ghostly vision.
At the same time, the cape acts as a space in its own right, one which supports a kind of projection that appears through a network of iron-on transfers. A range of images drawn from international news stories as well as the reality of Vieux Hull appears on the cape’s surfaces like Amerindian embroideries. They lend symbolic significance to the cape as a document, and the cape itself endows a fantastical identity to whoever wears it. It is, in this respect, akin to the Dakota Ghost Dance dresses from which the artist drew inspiration.
It is a sort of dance, in truth, to which the viewer is invited; we must recreate in our own imagination a complex trail to connect the scattered and disparate fragments of a world torn apart by instant communication networks— sources of a reconstructed fiction that we take on board everyday. Between the exploration of Mars—space for new conquests—and reported disappearance—space of tragic loss—is it possible to forge links through a mythical construct? The voyage, whether disastrous or spectacular, is suggested here as a loop, a journey between the interior and exterior that folds in on itself like Nietzsche’s eternal recurrence.

François Chalifour, press release, 2014