Sram no tsol - 2000

Installation in situ / Site-specific installation Vitrines, Mamco, Genève

Détails Chryse Planitia :
Soj : animation tournant sur un Powerbook Duo 230, pièce détachée (roue) : carton, plastique, clous, ruban adhésif et peinture / Soj : animation running on Powerbook Duo 230, spare parts (wheel) : cardboard, plastic, nails, adhésive tape and paint.

Personne n’est jamais allé sur Mars. Quelques sondes depuis une vingtaine d’années y effectuent des prélévements, des analyses et nous en font parvenir des clichés. Ces informations sont-elles à la mesure des fictions et des fantasmes que nous projetons sur la planète rouge ? C’est la question qu’Ingrid Luche soumet au spectateur avec « Sram No Tsol ».
Les pièces de I.Luche ont pour trait particulier de se glisser dans les systèmes d’information qui composent notre environnement, de les détourner et d’exacerber leur potentiel narratif : récits publicitaires ou médiatiques, mythologies scientifiques ou personnelles, superstitions, anecdotes... les fictions qui forment la trame de nos existences sociales délimitent le champ de ses interventions. Ainsi, avec les « Bestioles » (1994), elle mettait en scène un monde cauchemardesque de créatures façonnées à partir d’emballages et de résidus divers qui donnaient l’impression de pouvoir proliférer sans limites jusqu’à « déstructurer » le territoire occupé. Clones d’une vie domestique incontrôlable, ces créatures avaient été baptisées de noms – « patine », « you were », « starpuff », « shoppinge » – où s’énonçaient des rencontres non-fortuites, des coïncidences certaines, manières d’affoler le langage et les références. Le même enjeu présidait aux « Comparaisons biographiques » (1995) et aux « Échelles biographiques » (1997). Compilations de renseignements sur la vie publique et intime de diverses personnalités, ces travaux suggéraient des recoupements que le spectateur était invité à déchiffrer comme autant de traces d’un ordre apparemment précis, mais dont malheureusement il restait exclu, indéfiniment condamné à en interpréter les lacunes. « Images du monde » (1996-1998), rassemblement de documents et de publicités reprenant l’image de la Terre, et « Lounge Airlines » (1998), sorte de salon pour VIP dont les noms (Saddam Hussein, Vanessa Paradis, Marie-José Perec?) sont inscrits sur des appuie-têtes, sont d’autres moments / séquences de ces histoires en creux que I. Luche déclenche parfois autrement : tantôt, c’est de presque rien que naît la sensation de basculer dans l’étrangeté : un nuage de vapeur d’eau et une inscription (« Almonda’s Juice ») avaient suffit à modifier l’atmosphère de la Place Bel-Air lors de l’exposition « Incubus Family » (Genève, 1999). Tantôt, ce sont d’énigmatiques moulages en grès ou en pâte à sel (« Pizza Diana », 1998) qui servent de support à la fiction. Dans tous les cas, ce qui est mis en évidence, c’est l’incongruité et la voracité de ce monde parallèle de fictions – comme le montrent aussi les « Objets à alimenter » (1996), sortes de petites bouches béantes qui semblent prêtes à engloutir tout ce que le spectateur, dans sa crédulité devant l’inconnu, est prêt à leur accorder.
« Sram No Tsol » crée le substrat d’une rêverie paranoïaque que I.Luche avait déjà esquissée en 1995 avec « Morceau de lune ». À la simple « empreinte » d’une portion du sol lunaire se substitue ici tout un dispositif reposant sur un savoir technique et scientifique : des plans de Cydonia Region et de Chryse Planitia où se sont respectivement posées les sondes Viking en 1976 et Mars Pathfinder en 1998, une réplique du véhicule Rover Sojourner, des empreintes en ciment coloré et vernis de « pierres de Mars » ? Un savoir soumis et confronté à des interprétations condensées notamment dans les représentations des « Cydonian face ». Ces improbables visages sensés affleurer à la surface du terrain martien appartiennent-ils à cet imaginaire qui va des petits hommes verts à la « Guerre des mondes » ou à « Mars Attacks » ? Laissez-vous aller ; vos fantasmes ont peut-être déjà envahi le siège de votre pensée.

Communiqué de presse / Press release, 2000



Acidalia & Chryse Planitia (Vitrine bleue), 2000
Acidalia Planitia : peinture murale, tracés luminescents, lettres adhésives - Cydonian Faces - pâtes à sel, cables électriques / salt dough modelling, electric cables Sunset - résine à inclusion, sable, spots rouges, variateur - 2 / epoxy resin and sand, electrical assembly, light bulb Sculptures-paraboles - résine, stroboscope ou lampe flamme / epoxy resin, electrical assembly, strobe light, flame bulb Pieds martiens - céramiques émaillées (2 semelles + 2 pieds) / glazed ceramic (2 soles, 2 feet) Sculpture-sonde - détecteur de présence / infrared detector

Sous forme de tracés luminescents, le relief martien de Acidalia & Chryse Planitia s’inscrit en fond de décor. Des lettres adhésives rouges et blanches marquent Cydonia Region et Viking and Pathfinder Landing Site. Sur le rayon supérieur, les Cydonian Faces interprètent en pâte à sel le « Visage de Mars ». Cette figure, découverte en 1976 sur une photographie de la planète rouge, laisse apparaître des traces de fondations proportionnelles à un visage qui, selon certains chercheurs, n’est pas simplement dû à l’érosion des sols et à l’éclairage du soleil. Ces hypothèses aujourd’hui démenties ne laissent pas moins subsister le mythe de Cydonian Face, un premier souvenir martien.
Sur le rayon central, la lampe Sunset fournit un éclairage oblique sur cette rangée de visages. Deux spots rouges simulent de fausses étoiles jumelles, ou valorisent l’idée qu’un soleil truque le paysage martien. Cette lampe s’accompagne de sa Sculpture-variateur. Les deux Sculptures-paraboles sont des moulages en résine intégrant chacune une émission lumineuse. La première, posée verticalement, est munie d’un stroboscope. La seconde repose à l’horizontale et, munie d’une ampoule flamme, reflète une lumière discrète et tremblotante en direction du rayonnage inférieur. Les trois éléments lumineux sont reliés à une Sculpture-détecteur, système infrarouge réagissant au passage du visiteur.
Au sol les Pieds martiens, sculptures en céramique sont assimilables à des relevés d’empreintes archéologiques.

In the form of luminescent traces, the Martian relief of Acidalia & Chryse Planitia is inscribed in the background. Red and white adhesive letters mark Cydonia Region and Viking and Pathfinder Landing Site. On the upper shelf, the Cydonian Faces interpret in salt dough the «Face of Mars». This figure, discovered in 1976 in a photograph of the red planet, reveals traces of foundations proportional to a face which, according to some researchers, is not simply due to soil erosion and sunlight. These hypotheses, now denied, still leave the myth of Cydonian Face, a first Martian memory.
On the central shelf, the Sunset lamp provides oblique lighting on this row of faces. Two red spots simulate false twin stars, or enhance the idea that a sun is rigging the Martian landscape. This lamp is accompanied by its Sculpture-dimmer. The two Sculptures-satellite dish are resin casts each incorporating a light emission. The first, placed vertically, is equipped with a strobe. The second rests horizontally and, fitted with a flame bulb, reflects a discreet, flickering light towards the lower shelving. The three light elements are connected to a Sculpture-detector, an infrared system reacting to the passage of the visitor.
On the ground, the Pieds martiens, ceramic feet are similar to archaeological footprints.



Chryse Planitia (Vitrine noire), 2000
Pierres de Mars - moulages en ciment vernis / varnished cement casting Pièces détachées - carton, clous, ruban adhésif, tissu, peinture aérosol / cardboard, nails, tape, fabric, spray paint Sojourner - véhicule télécommandé travesti / remote controlled vehicule Soj - (Powerbook) : présentation d’une animation de Sojourner (Projector) / presentation of an animation by Sojourner (Projector) Pizza Caramelle

Le second paysage rassemble des éléments liés à l'amarsissage de Sojourner en 1997 (rover-analyseur envoyé sur Mars) et à l'étude du terrain martien. Sur l'écran d'un ordinateur portable ouvert comme un livre, un véhicule télécommandé imite le rover, se promène maladroitement, tourne en rond et se cogne. Cette animation utilise la basse définition de l'écran pour évoquer la qualité des images satellites transmises lors de l'expédition. La fréquence des images est inégale et les saccades produites par des mouvements téléguidés restituent le déplacement d'un objet aveugle. Sojourner est le premier cobaye à fouler le sol martien. Des pièces détachées (en carton et en plastique) détaillent et démembrent le robot égaré : roue isolée, châssis et bras désarticulés… Ces formes fragiles contrastent avec le revêtement clinquant de la peinture chromée et l'usage de câbles électriques ou de clous pour figurer les crampons des pneus. En bas, une galette mielleuse en céramique dont se détache un caméléon nappé de crème figure une autre planète alimentaire. La Pizza Caramelle, est intégrée au tableau entre l'effigie et le produit dérivé.
Les Pierres de Mars, objets saisissables en ciment, ajoutent prises d'alpinisme et presse livres à l'arpentage, tandis que les miroirs déformants, ludiques rétroviseurs, disloquent ou recomposent à partir des fragments disposés l'illusion d'un nouveau paysage.

The second landscape brings together elements related to the Sojourner landing in 1997 (rover-analyzer sent to Mars) and the study of the Martian terrain. On the screen of a laptop that is open like a book, a remote control vehicle mimics the rover, wanders around awkwardly, circles and bumps into itself. This animation uses the low definition of the screen to evoke the quality of the satellite images transmitted during the expedition. The fre‐ quency of the images is uneven and the jerks produced by unmanned movements reproduce the movement of a blind object. Sojourner is the first guinea pig to set foot on Martian soil. Spare parts (in cardboard and plastic) detail and dismember the lost robot: isolated wheel, frame and disarti‐ culated arms ... Below, a ceramic honey cake from which a chameleon topped with fresh cream stands out represents another food planet. The Caramelle Pizza, cracked but syrupy, is integrated into the picture bet‐ ween the effigy and the derivative product.
The Pierres de Mars, graspable concrete objects, add mountaineering holds and press books to surveying, while the distorting mirrors, playful rear-view mirrors, dislocate or recompose from the fragments arranged the illusion of a new landscape.

Chryse Planitia (Vitrine noire), 2000
- Pierres de Mars - moulages en ciment vernis/ varnished cement casting Pièces détachées - carton, clous, ruban adhésif, tissu, peinture aérosol / cardboard, nails, tape, fabric, spray paint Rétroviseurs - miroirs déformants / distorting mirrors

© Photographies I. Kalkkinen